Veuve Clicquot-Ponsardin : histoire d’un tempérament

D’un côté, une romancière de notre siècle, qui aime à cultiver la belle langue et son jardin nivernais. De l’autre, une pasionaria du champagne dont le nom, 143 ans après sa mort, se répand encore chaque année dans le monde au recto de quelques millions de bouteilles.

Brissac-U.AndersenLa première, Elvire de Brissac, a ouvert les malles au grenier, soulevé la poussière, retourné chaque pierre du passé pour faire revivre la seconde, Barbe Nicole Clicquot, sa septisaïeule. Ce qui donne à l’arrivée une autobiographie imaginaire, si bien tournée et étayée de références historiques qu’on serait en peine de démêler le vrai du vraisemblable, le fait avéré de la licence littéraire.

Nicolas Ponsardin et sa fille se surnommaient-ils respectivement Babouche et Babouchette ? Barbe Nicole a-t-elle épousé Monsieur Clicquot par inclination ? Un écureuil aux yeux rouges a-t-il été l’instrument de leur rencontre ? Etait-elle une jeune fille sans beauté ni coquetterie ? A-t-elle manqué de discernement dans son activité de banque ou a-t-elle été dupée par son associé ? A-t-elle passé tous ses caprices à Louis de Chevigné, son gendre enjôleur et oisif ?

Au fond, tout cela est secondaire. La vérité est qu’elle ne s’est pas cantonnée dans son statut de jeune veuve et a fait montre d’un sens des responsabilités, d’une ardeur à la tâche, d’une curiosité pour le processus des choses et des affaires, d’une audace et d’une pugnacité exceptionnelles pour son époque et pour son sexe.

Entre sa naissance en 1777 et sa mort en 1866, elle aura traversé tous les régimes, de la Révolution à l’Empire, de la Restauration à la République, connu les perruques poudrées, vu les capitaux du textile passer progressivement dans le champagne, assisté au sacre de Charles X, acheté les meilleures parcelles, subi le tohu-bohu des campagnes napoléoniennes, triomphé des mauvaises récoltes, inventé la table de remuage, partagé l’euphorie d’une conjoncture florissante et, surtout, réussi l’exploit de fournir les Russes à la barbe de ses concurrents.

Avec des « si »…

Brissac-cjaquetteSi peu de gens eurent foi en elle, Madame Clicquot a pu compter sur le soutien de son père, grande figure rémoise, de son beau-père, Philippe Clicquot, et de quelques hommes de bien dont elle fit l’heureuse rencontre : on pense à Louis Bohne, qui a porté loin par-delà des frontières les couleurs de la maison Clicquot, à Edouard Werlé, ce partenaire loyal à qui elle abandonna finalement les commandes.

Le souvenir de la grande dame est inscrit dans notre patrimoine : l’hôtel Ponsardin construit par son père, qui lui servit de résidence, est aujourd’hui propriété de la Chambre de Commerce ; l’hôtel Le Vergeur, qu’elle racheta et habita de 1822 à 1837, abrite le musée de la place du Forum ; l’hôtel du Marc fut édifié sur un terrain qu’elle acquit en 1822. A quoi il faut ajouter Boursault, bien sûr, dont elle fut la prodigue châtelaine.

On ne peut s’empêcher de songer que si François Clicquot n’avait pas été prématurément emporté par la tuberculose, son épouse serait sans doute restée un « être de second rang », occupée à broder, ignorée par la postérité. De même qu’on se demande en lisant Elvire de Brissac si, sans l’impulsion de Barbe Nicole, « Veuve Clicquot » serait devenue l’une des plus grandes maisons de champagne, aujourd’hui à nouveau dirigée par une femme…

« Voyage imaginaire autour de Barbe Nicole Ponsardin, Veuve Clicquot » par Elvire de Brissac chez Grasset – 14,50€

Elvire de Brissac sera présente à la Fnac de Reims le samedi 10 octobre 2009 à partir de 15h.

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