Vatry, requiem pour un nid de coucous

Quel avenir pour un aéroport 100% fret en pleine campagne, à 45 minutes de Reims, 20 minutes de Châlons-en-Champagne et 30 minutes de Troyes ?

C’est l’idée, voici près de 20 ans, du Préfet de Région (1987-1991), Yves Bonnet. Idée partagée avec le Président du Conseil Général de la Marne, Albert Vecten (1982-2003). Le Préfet s’en va faire carrière politique dans la Manche et le Sénateur hérite d’un dossier à la fois ambitieux (faire de Vatry le 1er aéroport national tout fret) et bien léger (pas d’étude de marché notamment). Albert Vecten vient d’échouer (1990) dans son idée d’ISTV (Institut des Sciences et Technologies du Vivant). Il lance le projet Vatry en 1992. Le Conseil Général l’adopte à l’unanimité. Les travaux démarrent l’hiver 1997. L’aéroport betteraves accueille son premier avion cargo en Janvier 2000.

VATRY-creditphoto-planetpotterVatry est un aéroport blanc. On construit, on aménage et on attend que les clients viennent occuper les lieux. Bref, la charrue avant les bœufs, Pâques avant les Rameaux. Coût initial : 152 M€. Investissements depuis 1992 : plus de 200 M€. La coquille est cependant intéressante. La plate-forme trimodale (air-fer-route) de Vatry dispose de la 3e piste civile la plus longue de France (3 860 m), derrière Roissy (4 200 m) et Lyon Saint-Exupéry (4 000 m), une emprise totale de 1 850 hectares, 230 000 m² d’entrepôts (dont stockages frigorifiques), 460 hectares de ZAC et 700 hectares en réserve… Sans oublier un fonctionnement sans restriction horaire (7 jours sur 7 et 24 heures sur 24), dans une zone quasi désertique (7 habitants au km²).

Vatry est un aéroport sous influence. Hier les grandes écoles parisiennes n’ont pas voulu de l’ISTV, aujourd’hui Paris ne veut pas de Vatry. Autrement dit, Aéroports De Paris (ADP), gestionnaire d’Orly et de Roissy, dicte sa loi et développe, via des partenariats européens, son activité fret. Le projet Carex, soutenu par l’Etat, est un des volets du Grenelle de l’Environnement. Sa finalité : faire venir les TGV aux pieds des avions cargo de Roissy. Ce concept de fret à grande vitesse dispose d’alliances européennes : Amsterdam, Cologne, Francfort, Londres, Liège, mais aussi Lyon et Lille. Carex pourrait être opérationnel en 2012. Le TGV à Vatry n’est qu’un souhait.

Un TGV pour sauver Vatry

Vatry est un aéroport isolé. Géographiquement et politiquement. Quand Ryan Air déclare : « Mettez-nous Vatry à une heure de Paris et nous vous apportons 5 millions de passagers en 3 ans », Air France Cargo tranche : « Vatry ne peut être un aéroport de dégagement pour Air France KLM » et le Président de Roissy Carex enfonce le clou : « Le site de Vatry manque d’attractivité ». Si l’autoroute A26 est bien voisine de l’aéroport, l’embranchement ferroviaire du site conduit à la voie Châlons-Troyes, à la vitesse maximum de 50 km/h. C’est peu pour un outil du XXIe siècle. Seul un TGV Vatry -Paris pourrait sauver l’indigence ferroviaire actuelle.

Quand les politiques régionaux veulent faire de la région, via Vatry, le défouloir vert du parc Disney, Disneyland Paris réalise 4 villages nature (thèmes : l’eau, la terre, la forêt et le sport) et 5 000 nouvelles chambres, avec un investissement de 1 milliard d’euros. Quand Vatry projette de remplir les hôtels Disney ignore-t-on que l’hôtellerie du parc affiche un taux de remplissage de 90% ? Les clients « low cost » de Disney ? Ils pèsent 25% de la fréquentation. Ils viennent de Roissy, d’Orly et de Beauvais. Car c’est bien Beauvais (2,5 millions de passagers) qui est le 3e aéroport de Paris et non Paris Vatry (3 628 passagers en 2008).

Vatry, un aéroport sous perfusion

Pour son très prochain 10e anniversaire quel bilan ? Déclaré à l’origine essentiellement fret, puis devenu en catastrophe fret et passagers en 2004, Vatry est aux urgences et les chiffres tiennent lieu de bulletin de santé alarmant. Ils émanent du rapport de la Cour Régionale des Comptes. Dépenses brutes du Conseil Général de la Marne : 200 M€. Subventions d’équilibre à la SEVE (Société d’Exploitation de Vatry Europort) : 21 M€ entre 2000 et 2007 et 1,7 M€ en 2009. Cette subvention a représenté jusqu’à 70% du chiffre d’affaires de la SEVE. Remboursement de frais de communication à la SEVE : 1,2 M€ (2002 et 2003)… VATRY-creditphoto-avientL’activité fret ne pèse que 20% des capacités installées et l’activité passager 4%. Vatry n’a jamais gagné d’argent. La SEVE, historiquement dans le rouge et qui n’a pas payé un seul loyer, annonce un déficit prévisionnelle de 3 M€ pour 2009. Elle vient d’accuser le départ de son meilleur client (le transporteur aérien Avient pesait 70% de l’activité aéroportuaire de Vatry).

Conclusion de la Cour Régionale des Comptes : « Dans un contexte où le développement de l’activité est loin d’être stabilisé, rien ne peut conclure à la pérennité de la situation… Il apparaît de toute façon que le développement de la plate-forme restera à la charge du contribuable marnais pendant un temps qu’il est encore difficile d’évaluer ».

2 Commentaire(s) sur "Vatry, requiem pour un nid de coucous"

  1. C’est quoi le prochain projet du CG ?

  2. Merci de votre sujet. Vous aviez raison. On annonce un plan de sauvetage le 6 novà combien de millions !

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