Champagne: ton univers impitoyable!

Ce mercredi 22 juillet, les représentants du vignoble et du négoce champenois  avaient rendez-vous pour fixer le niveau de rendement de la récolte 2020. A ce stade, les discussions n’ont pas abouti.

La crise sanitaire et la très lourde chute des expéditions qui en découle ne facilitent pas la bonne entente des instances décisionnaires de la Champagne. “Il est difficile de se projeter sur la fin d’année 2020 mais nous estimons que les pertes seront de 25 à 30 %, soit 1,7 milliard de chiffre d’affaires” pronostiquait encore il y a quelques semaines, Maxime Toubart, le président du syndicat général des vignerons (SGV). Sans oublier que cette crise survient après des chiffres 2019 décevants. Dans ces conditions, déterminer le nombre de kilos de raisins récoltés par hectare ne rélève pas obligatoirement du même objectif pour les uns et les autres mais il en va du modèle économique champenois et de l’économie régionale tout court tant le poids du vignoble y est prépondérant, comme le rappellent chaque année les analyses sectorielles de  la Banque de France.

D’un côté, les vignerons veulent vendre leurs raisins. 8500 kilos à l’hectare, c’est une question de rentabilité de leurs exploitations dit-on au SGV. Mais  dans cette branche de la famille, on est pas d’accord entre soi. Le mardi 30 juin, le divorce est même acté. Les vignerons indépendants de Champagne sont priés de quitter leurs bureaux installés au coeur du siège du Syndicat général des Vignerons à qui ils reprochent de favoriser les “vendeurs de kilo”. On pourrait presque résumer la tragi-comédie à ce problème. 80% des raisins champenois sont aujourd’hui vendus au Négoce. Les “vendeurs au kilo” sont aujourd’hui majoritaires en Champagne.

De l’autre côté de cette grande famille champenoise, on trouve la branche “négoce” représentée par l’ UMC. Présidée par Jean Marie Barillère, qui co-préside le Comité Champagne avec Maxime Toubart (SGV), l’UMC représente les “acheteurs de raisins”. Les grandes maisons, même si elles possèdent en propre une part de leur vignoble, ont besoin de ces achats pour réaliser les vins qui font la renommée mondiale des raisins produits sur ces coteaux classés à l’UNESCO. Le négoce réfléchit en termes de “marché” et reste très réservé sur la reprise forte des expéditions. Par conséquent, le négoce ne veut pas acheter “trop” de raisins.

“Radio Galipes” évoquait 5 000 à 6000 kilos pendant le confinement. On n’y est pas mais on n’est pas non plus aux 9 000 kilos évoqués par le Conseil d’Administration de la Fédération Régionale des Vignerons indépendants de Champagne dans une tribune , le 10 juillet dernier. Pour mémoire, en 2019, le chiffre fixé par l’interprofession était de 10 200 kg/ha. A l’issue de la réunion de ce mercredi, le SGV a confirmé qu’il ne partageait pas  les objectifs du négoce. Dans un communiqué envoyé à la presse, le Syndicat explique «Nous avons toujours réussi jusqu’alors à nous mettre d’accord avec le négoce, dès le mois de juillet, partant du principe que le rendement devait être fixé à partir des caractéristiques qualitatives de la récolte et de l’évolution des marchés. Nous ne comprenons pas pourquoi le négoce propose  des niveaux de rendement faibles qui ne correspondent pas à ses propres prévisions d’expéditions en 2020. Le négoce prouve ainsi que son principal objectif est d’alléger ses stocks. Si les rendements sont en deçà des ventes, les conséquences seront lourdes avec la disparition d’exploitations et des licenciements économiques. Le SGV Champagne, pour sa part, défend un niveau de rendement qui corresponde aux ventes réelles de bouteilles de champagne en 2020 et qui permette d’assurer la pérennité du plus grand nombre d’exploitations. Les données économiques pour le mois de juin témoignent d’un rebond de l’activité notamment chez les vignerons. Nous sommes conscients du ralentissement de l’économie mondiale mais souhaitons rester résolument optimistes pour l’avenir. Les prévisions d’expéditions pour l’année 2020 qui ont été présentées, il y a quelques jours, sont consensuelles entre le négoce et le vignoble. C’est notre ligne de conduite pour le niveau de rendement. La récolte s’annonce qualitative et il est aussi important pour les consommateurs et les amateurs de champagne de qualité que les vignerons puissent récolter de la vendange fraîche. Nos arguments n’ont pas encore convaincu nos interlocuteurs. C’est pourquoi nous avons préféré nous quitter et espérons que le négoce mettra à profit les prochaines semaines pour revenir avec des propositions plus raisonnables et plus réalistes. D’ici là, nous disposerons de nouvelles données économiques (mois de juillet)“.

Mais dans ce “Dallas” où les bulles remplacent le pétrole et l’avenue de Champagne fait office de Soutfolk, l’entente autour de l’intérêt supérieur du vignoble devrait l’emporter courant août à quelques jours des vendanges. Avec un marché de 4, 9 milliards d’euros pour 302 millions de bouteilles expédiées en  2019 dont plus de la moitié à l’export et plus de 70 % par les Maisons, les enjeux sont considérables et une fois trouvé le bon chiffre du rendement 2020, la Champagne aura encore bien des réponses à apporter pour son avenir.

 

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