Commissaire-priseur capée, Séverine Luneau a rejoint l’hôtel des ventes de la rue du Temple à Reims, succédant à Me Pierre-Pascal Guizzetti. Entre marteau et renouveau, elle y exerce ce métier très ancien qui bat désormais aussi au rythme des enchères en ligne et du développement durable.
“Ne regardez pas ça, ma mère les a trouvés dans une poubelle!”. Pour la commissaire-priseur Séverine Luneau, l’anecdote a une saveur particulière: il s’agissait d’une paire de fauteuils signés du designer Jean Royère, vendus au final à 140 000€ aux enchères. “On vibre lorsqu’on trouve un objet qui sort du lot, se souvient-elle, les yeux toujours pétillants. C’est l’adrénaline de notre métier”.
Elle l’exerce désormais à Reims, à la société de ventes aux enchères de la rue du Temple. Séverine Luneau est, depuis novembre 2022, l’associée de Me Thierry Collet, succédant à Me Pierre-Pascal Guizzetti, parti en retraite. L’osmose a été immédiate.
De la Mamounia à Giscard
Diplômée commissaire-priseur depuis 1995 au terme d’un double cursus en droit et histoire de l’art, Me Luneau a travaillé pour de grandes maisons de ventes parisiennes, le temps aussi que ses enfants prennent leur envol. Une solide et fine expérience traversée d’émotions intenses comme lors de la découverte, au bas d’une étagère, d’une jardinière chinoise en bronze d’époque Ming, partie aux alentours de 300 000€, ou encore d’une petite sculpture d’un pape de la fin du XVIe siècle (adjugé à 280 000€). Elle a également orchestré la vente du mobilier de la Mamounia à Marrakech et du château du président Giscard d’Estaing à Chanonat.
Mais le goût de l’entreprenariat la “tarabustait”, dit-elle. Salariée jusqu’alors, “le but de ma venue à Reims était l’indépendance, j’avais cela chevillé au corps”. Et puis, il y a ce petit rien qui pimente un parcours: elle est née dans une clinique du boulevard Lundy … à 800 m de l’hôtel des ventes.
Un panel inimaginable de clients
“C’est une étude qui se reféminise”, glisse Me Collet en rappelant que la maison rémoise fut, par le passé et jusqu’à ses 80 ans, dirigé par une femme, Me Paris. Le tempérament, déjà. L’une des expressions favorites de Séverine Luneau est d’ailleurs le mot “formidable”, preuve d’un enthousiasme constant. Le métier, analyse-t-elle, “est le même depuis des générations. En revanche, la façon de faire évolue. Maintenant, toutes nos ventes sont retransmises en live grâce à la plateforme interencheres.com. C’est un vecteur formidable, vous avez accès à un panel inimaginable de clients qui enchérissent de là où ils sont en France, en Italie, Allemagne, Angleterre, New York… L’écran prend le relais de la salle ou des ordres d’achat. Cela crée une vraie synergie.”
Faire cohabiter une multiplicité d’espaces-temps lui va bien, car l’humain prime. A Reims, le dimanche, la salle de ventes attire toujours du monde. L’accès est libre. Elle aime ce public “sympathique, actif, réactif”. Du diamant à 50 000€ à la tasse en porcelaine à 100€, bijoux, objets art nouveau-art déco, mobilier, vieux vins et champagnes, tableaux, dessins… transitent par l’hôtel des ventes. “Il y a une âme dans tous ces objets” et cela séduit aussi les jeunes, se réjouit-elle. “On est dans la tendance du seconde main, du développement durable, du mobilier pouvant être customisé”.
Commissaire de justice, un nouveau métier
Mes Collet et Luneau sont membres du groupe Ivoire, plus important regroupement de maisons de ventes en France. Les belles adjudications, les surprises, sécrètent le rêve. D’autres pans du métier sont moins connus, à l’instar de l’expertise d’objets déposés au Crédit municipal, vénérable et utile institution de prêt sur gages, sous tutelle de la Ville, qui organise régulièrement des enchères.
Ils ont, enfin, souvent une double casquette. Séverine Luneau vient d’être officiellement nommée commissaire de justice, dépendant de la cour d’appel de Reims. Une profession récemment créée et qui regroupe l’ancien métier de commissaire judiciaire -en charge des procédures collectives lors des inventaires et ventes aux enchères publiques- et celui d’huissier.
Photo: Avant de rejoindre Reims, Me Séverine Luneau a été commissaire-priseur dans de grandes maisons parisiennes, spécialisée notamment du mobilier et des objets d’art du XVIIè au XIXè siècles ©DR/Catherine Trebla
Soyez le premier à commenter "Maître Séverine Luneau: “on vibre lorsqu’on trouve un objet qui sort du lot”"