Charles de Courson: la politique, cent heures par semaine et sept jours sur sept…

Député de la Marne depuis trente ans, six fois élu et réélu, conseiller départemental depuis trente-six ans, ex Maire de Vanault-les-Dames durant 31 ans et encore conseiller municipal, ex-président de la Communauté de communes des Côtes de Champagne et Val de Saulx, et toujours conseiller communautaire… Charles de Courson est un modèle de longévité politique…un spécialiste des affaires publiques et un expert en matière de finances. Une interview réalisée par Gérard Delenclos.

Une vie au service des autres. Tous ces mandats, n’est-ce pas trop ?
Je ne fais que cela et j’aime ce que j’essaie de faire en politique : contribuer à aider la vie des concitoyens, une centaine d’heures par semaine, sept jours sur sept et trois semaines de vacances par an.

Votre satisfaction ?
Voir bien évoluer ma commune de Vanault-les-Dames, depuis mon premier mandat de décembre 1985. Le travail pour moi est loin d’être une galère. Hérédité ? Je n’ai jamais vu mon père en vacances. Mon père avait trois vies : sa commune, le Département de la Marne et sa ferme.

L’image médiatique de l’Assemblée Nationale correspond-elle à la réalité ?
Au bout de 30 ans de députation, on peut se permettre un certain recul. J’ai toujours craint le syndrome du vieux con. On dit qu’aujourd’hui tout fout le camp. Ce n’est pas ma vision de la vie parlementaire. Ce que je constate c’est qu’à mes débuts, en 1993, l’Hémicycle était plein d’hommes politiques « importants » qui avaient de l’expérience et des convictions.
A cette époque, pas d’extrémistes ou quasiment pas. Beaucoup d’élus nationaux possédaient un véritable ancrage territorial. La conséquence de la loi sur le non-cumul des mandats est que la majorité des députés sont un peu « hors-sol ».

Vous évoquez un effondrement. De quelle sorte ?
Je crois, à ce niveau, qu’il est légitime d’évoquer à présent un véritable effondrement du système politique. A l’époque, un député de gauche n’aurait jamais voté pour quelqu’un de droite et réciproquement. Les digues électorales se sont écroulées. Le corps électoral s’est fluidifié. La France qui ne croit plus en la classe politique, vote de moins en moins. Pourquoi ? Un candidat qui vous dit blanc en campagne retourne assez vite sa veste durant son mandat. La perte de confiance de l’électeur devient énorme. 85% du corps électoral pense que la classe politique est peuplée de menteurs, de voleurs et de gens qui ne sont là que pour profiter de leur propre situation. L’intérêt général s’est délité. Les coups de
gueule, des uns et des autres à l’Assemblée Nationale, ne sont que l’écume des choses. Certains disent tout et son contraire.

Vous dites que le projet de réforme des retraites ne respecte pas le choix des Français ?
Ce projet de réforme des retraites est l’illustration du mensonge politique et des arrangements contre la volonté populaire. Le Ministre du Travail, qui vient du parti socialiste, a longtemps déclaré qu’il ne fallait pas toucher aux 62 ans. Quatre ans plus tard, il prône le passage à 64 ans. Qu’est-ce le peuple peut comprendre à cela ? Au moment de cet entretien, je reste prudent quant à l’aboutissement en l’état de cette réforme. La logique aurait été de permettre aux Français de travailler plus longtemps, s’ils le veulent, et non de l’imposer à tous. Si cette loi passe, ce sera dramatique pour la démocratie française. Le peuple français est aujourd’hui majoritairement contre cette réforme. Il manque une quarantaine de voix à l’Assemblée pour faire passer un texte qui ne pourra s’imposer qu’au terme d’un accord avec LR et les Centristes. Donc, le Pouvoir compose et les Français, par certains côtés, aiment bien cela. Le système de coalition n’est pas un déni de démocratie. Pourquoi je combats le passage de 62 à 64 ans ? Les départs moyens à la retraite se font aujourd’hui à 63 ans et dans dix ans, tout normalement, on serait passé à 64 ans. Je suis pour la liberté et pour la justice. Il aurait fallu dire : augmenter le nombre d’annuités certes, mais s’attaquer aussi aux problèmes des seniors, avec la libéralisation du système emploi-retraite.

Votre retraite ?
Ce n’est pas un problème. Il n’existe pas d’âge limite pour les députés. 70 à 75 ans, pour un dernier mandat paraît raisonnable.

Vous reprochez au Président de la République son manque de dimension sociale ?
Le Président décide de tout. Il n’a aucune dimension sociale. Pour preuve, certaines sorties publiques du style « il suffit de traverser la rue pour trouver du travail. » Le Président n’a jamais consacré une heure de sa vie aux autres.

L’absence de majorité est-elle la cause principale du vacarme de l’Assemblée Nationale ?
La minorité présidentielle est de 46% à l’Assemblée et de 6% au Sénat. Aux dernières législatives, Les candidats macronistes ont fait 25% des 47% des Français qui ont voté. Cela ne fait que 13% des électeurs. Dans ces conditions, comment voulez-vous diriger un pays avec un électeur sur huit en votre faveur ?

Dans votre théorie de l’effondrement, tout commence par la dégradation de l’économie ?
Les politiques ont voulu faire croire qu’ils étaient maîtres de l’économie. La dégradation de notre balance commerciale et l’état de la dette devraient les faire réfléchir. L’Etat ne peut pas tout, même la théorie du quoi qu’il en coûte. On vit à crédit depuis longtemps et cette situation s’aggrave progressivement. L’état des finances publiques c’est une dette de 100 000 euros pour chaque famille française qui s’accroît d’environ 5 000 euros par an, soit quatre mois d’un salaire minimum.

A quand le grand soir ?

Cela peut durer ainsi encore longtemps. Tant que perdureront les interventions des fonds de pensions étrangers ou celles de la Banque Centrale Européenne, détentrice d’un bon tiers de la dette française. Mon père disait : « Les vieilles démocraties ont des capacités de résistance à doses massives ». Le choc peut venir de l’extérieur.

Après la réforme des retraites, une nouvelle réforme constitutionnelle avant la fin du quinquennat ?
Faut-il rappeler la nécessité des trois cinquièmes de voix au Parlement pour y parvenir ? Emmanuel Macron a échoué deux fois dans ses tentatives de réforme constitutionnelle. Certaines propositions peuvent s’envisager, comme celle concernant la réduction du nombre de parlementaires, à laquelle je suis favorable. Mais, pas simple de demander à ces parlementaires de se saborder eux-mêmes et surtout pas aux sénateurs qui représentent, selon la Constitution, les différentes collectivités territoriales.

L’avènement d’un conseiller territorial, à la fois représentant du Département et de la Région ?
C’était envisageable dans les anciennes régions, composées de trois ou quatre départements et qui présentaient une meilleure proximité. Aujourd’hui, cela ne me paraît pas raisonnable.

Un retour au septennat ?
Je suis favorable à l’actuelle situation qui fait que la durée du mandat présidentiel est calquée sur celle des députées, en évitant la fâcheuse situation de cohabitation. Peu importe la durée, quatre, cinq ou six ans.

Interview réalisée le 3 mars 2023. Depuis la première Ministre a fait usage du 49-3 le 16 mars et Charles de Courson a déposé dans les 24 heures une motion de censure sur le projet de réforme des retraites au nom du groupe LIOT à l’Assemblée Nationale.

 

Photo © DR

 

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